Texte de l’appel: Appel / Call (pdf)
Appel à communications
Full ou Limited ? La « qualité » de l’animation à la télévision, entre économie et esthétique
Colloque international, 6 et 7 novembre 2014, Paris Labex ICCA, IRCAV, Université Sorbonne Nouvelle
La « qualité » de l’animation est une question complexe, puisqu’elle dépend de nombreux facteurs historiques, esthétiques, culturels et économiques. Les termes d’animation « totale » (full animation) ou d’animation « limitée » (limited animation) correspondent à l’emploi d’un nombre plus ou moins important de phases (ou de dessins) par seconde dans les films d’animation et souvent d’une esthétique « simplifiée ». Alors que depuis plus de vingt ans l’animation numérique permet de calculer automatiquement les intervalles entre deux clés, et donc de faire systématiquement de la full animation, il s’agira durant ce colloque de revenir sur cette technique emblématique de la télévision qu’a été la limited animation au niveau mondial, et d’en mesurer les impacts en termes historiques, économiques, esthétiques et culturels.
Dès les débuts de l’industrialisation du dessin animé dans les années 1910, les producteurs ont tenté de limiter au maximum le nombre de dessins par seconde pour des raisons économiques. Mais à partir des années 1950, la recherche d’un moindre coût pour faire face à la baisse des budgets générée par le développement des programmes télévisés a amené un usage vite dominant de l’animation limitée. La télévision française n’a pas échappé au mouvement, et un outil comme l’animographe, qui a servi à produire les Shadoks à la fin des années 1960, a été développé spécifiquement pour répondre à la baisse des budgets. Le développement de l’animation japonaise, puis des coproductions avec le Japon dans les années 1970 à 1990, a perpétué l’usage d’une animation « limitée », même si la perception de cette limitation n’est pas identique au Japon et en Occident. Avec l’arrivée du numérique, d’autres choix d’équilibre entre qualité et coût apparaissent : définition de l’image, niveau de qualité du rendu, complexité des formes, animation par images clés ou par capture de mouvements, automatisation des réutilisations… La question de la réduction des budgets induite par l’usage de l’animation limitée sera donc au cœur du colloque.
Outre la dimension économique, les conséquences esthétiques de l’emploi de l’animation limitée sont importantes. En effet, afin de gagner en productivité il s’est agi pour les dessinateurs de limiter la complexité non seulement des mouvements, mais aussi des éléments visuels, avec par exemple l’emploi d’aplats colorés aux dépends d’une esthétique plus « réaliste » typique du cinéma de Walt Disney. Le cas des films de la UPA (United Productions of America), vite repris à la télévision par Hanna-Barbera Productions, est emblématique d’une production conciliant coupes budgétaires et simplification formelle dans un refus de l’esthétique disneyenne. Aujourd’hui encore, des réalisateurs comme Isao Takahata ou Bill Plympton, qui travaillent d’ailleurs à la fois pour le cinéma et la télévision (séries animées ou publicités), créent en employant volontairement une technique d’animation limitée. Dans les programmes télévisés contemporains, l’emploi d’une animation « limitée » se fait souvent pour rappeler une esthétique des années 1950 ou 1960.
Le colloque invite donc à interroger spécifiquement les relations entre l’animation limitée et la télévision. On constate en France des lacunes en termes de réflexions scientifiques sur la question des rapports entre télévision et animation, alors même que la place de la France dans le domaine de la production d’animation télévisée est devenue centrale au niveau mondial depuis les années 1990. Ce colloque a donc pour ambition d’aborder un corpus extrêmement spécifique, envisagé dans une perspective internationale mais depuis la France, dont il s’agira également de cerner le positionnement spécifique quant aux rapports entre animation et télévision, dans le contexte mondial du marché de l’audiovisuel et alors même que se dessinent de nouveaux contextes de réception et de diffusion.
Le colloque devra donc proposer une approche transversale de l’histoire de l’animation à la télévision en France, dont la limited animation sera le point d’ancrage. Il s’inscrira dans une perspective diachronique, obligatoire pour comprendre les enjeux économiques mais aussi les pratiques contemporaines et la réception. Dans cette perspective, nous souhaitons proposer des points de convergence avec les États-Unis ou le Japon, pour traiter la question des impacts économiques et esthétiques, et éclairer la production française au regard des productions internationales.
Pour appréhender cette histoire de l’animation télévisée, les propositions de communication pourront interroger plus particulièrement les points suivants (liste non exhaustive) :
● Questions terminologiques :
Pourront être étudiés :
– les éléments qui caractérisent l’animation limitée : la réutilisation, les cycles, mais aussi l’influence des codes graphiques de la bande dessinée ; et l’analyse des différences entre l’animation limitée américaine (UPA, Hanna-Barbera, pour ne citer que les plus connus) et l’animation limitée japonaise, récemment remises en perspective avec le concept de « selective animation » de Gan Sheuo Hui ;
– la connotation péjorative associée à l’animation « limitée », afin de confronter les différentes acceptions de la « limited animation ». La question de la qualité telle que nous l’envisageons doit amener à étudier les prises de position des différents acteurs de l’industrie télévisée, et en creux de ceux de l’industrie cinématographique (certains sont parfois des deux côtés), sur l’abaissement du nombre de dessins par seconde par exemple et les autres critères liés au numérique.
● Perspective d’histoire des techniques :
Comment et pourquoi la télévision a-t-elle permis la création ou le développement d’autres dispositifs techniques que ceux du cinéma : l’animographe, le dessinoscope, etc. ?
Pourront être proposées une histoire de ces dispositifs, ou d’un dispositif en particulier. Nous incitons les chercheurs ayant connaissance de ce type de dispositifs techniques créés hors de la France à soumettre une proposition (la Hongrie et la Tchécoslovaquie ont par exemple beaucoup innové en travaillant en stop motion pour la télévision). Quelles traces reste-t-il de ces techniques, et comment informent-elles l’histoire de l’animation télévisée selon les pays ? Comment expérimentation et production se sont- elles conciliées (on pense au Service de la Recherche de l’ORTF, mais pas uniquement), pour quels objets culturels ?
● Perspective historique :
On pourra invoquer le cinéma pour revenir à la télévision : si les films UPA s’inscrivent dans le mouvement d’art moderne de l’époque, avec une esthétique parfois proche de l’abstraction, la télévision récupérera le principe des décors simplifiés, des aplats de couleur et des mouvements limités des personnages, pour toutes ses premières séries animées. Des communications pourront dessiner les contours d’une histoire de ces va- et-vient entre les deux esthétiques, full et limited, mais aussi d’interroger les influences mutuelles entre cinéma et télévision, et les passages, parfois nécessaires, d’une industrie à l’autre (pensons par exemple au cas de la société Les Gémeaux qui connaît la faillite dans le cinéma mais se reconvertit dans la publicité avec La Comète, sans Paul Grimault qui refuse de se plier à la publicité).
● Approche liée à la réception et à la diffusion :
Se posent aussi les questions de réception, de diffusion et de programmation, et de cycles « innovation-reproduction-saturation » que l’on retrouve dans de nombreux dispositifs télévisuels. On pourra notamment s’interroger sur:
– La réception critique de l’animation limitée, notamment à travers la presse spécialisée. – Les processus d’intégration de l’animation japonaise à la télévision française.
– Une analyse des publics (étude de réception), ainsi que les normes ou assignations culturelles dont sont porteurs ces programmes. Le lien animation limitée/public juvénile pourra être interrogé
– Les usages de l’animation limitée dans un cadre transmédial (mangas adaptés pour la télévision, bande dessinée numérique comme ce que propose Arte.fr, etc…).
● Approche esthétique sur des objets contemporains :
Puisqu’il existe déjà un certain nombre de travaux sur l’animation de l’âge d’or hollywoodien et sur le cartoon moderne, nous invitons les chercheurs à proposer des communications ayant comme objet des œuvres contemporaines. Qu’en est-il des séries télévisées animées actuelles, influencées par les deux esthétiques, full et limited ? Quelle est l’influence de l’animation limitée sur les séries actuelles, quels sont les jeux, les digestions, les hommages, les clins d’œil, les références qui sont faits, et qui ne sont plus des enjeux économiques mais esthétiques (glissement de l’un à l’autre) ?
● Approche économique et industrielle :
– Comment les pratiques industrielles peuvent-elles influencer le contenu et quelles sont les conséquences sur les œuvres ? (pourront être abordés : la question de la censure, du remontage, mais aussi des questions spécifiquement télévisuelles : choix de la case- horaire, mise en concurrence des programmes, public cible, lectures horizontales et verticales du positionnement des productions en animation limitée dans les grilles de programme.)
– Qui a la main ? Producteurs, diffuseurs ? Qui est à l’initiative des programmes ?
– On pourra étudier l’environnement compétitif et la circulation des productions de l’industrie française dans le monde. Qui vend quoi et à qui ?
-Quel est le processus de sélection des programmes par les chaînes ?
-Sur la délocalisation de certaines étapes de production comme l’animation : quelles sont les raisons économiques, les influences/conséquences sur l’esthétique des séries ? -On pourra aussi s’interroger sur la question des remakes de séries classiques (Félix, Calimero, Maya,…), importants en France, et à l’international, à l’heure actuelle.
Comité scientifique
Sébastien Denis, Université Aix-Marseille
Chantal Duchet, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
Pierre Hénon, ENSAD, laboratoire EnsadLab
Barbara Laborde, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
Lucie Mérijeau, Labex ICCA/ Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 Sébastien Roffat, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
Marc Steinberg, Université Concordia à Montréal
Serge Verny, ENSAD, laboratoire EnsadLab
Conditions de soumission d’une proposition
Les communications pourront être en français ou en anglais. Le colloque donnera lieu à une publication bilingue.
Les propositions de contributions de 1000 mots, en français ou en anglais, accompagnées d’une bio-bibliographie de l’auteur, sont à envoyer au plus tard le 30 juin 2014 à l’adresse suivante :
Si vous êtes sélectionnés, le colloque prendra en charge les déjeuners des deux journées (6 et 7 novembre), ainsi qu’une nuit d’hôtel.
Call for papers
Full or Limited? The “quality” of animation on TV, between economy and aesthetics
International Symposium, 6-7 November 2014, Paris Labex ICCA, IRCAV & Sorbonne Nouvelle University
The “quality” of animation is a complex question, because it depends on numerous historic, aesthetic, cultural and economic factors. The terms “full” animation or “limited” animation correspond to the use of a greater or lesser number of phases (or of drawings) per second in animated cartoons, and often of a “simplified” aesthetics. For more than twenty years digital animation has made it possible to automatically calculate the intervals between two keys, and thus to systematically produce full animation. This symposium aims however to focus on limited animation, which can be seen as a symbolic technique of TV at a global level, and to analyze its impacts in historical, economic, aesthetic and cultural terms.
From the beginning of the industrialization of animated cartoons in the 1910s, producers tried to limit the number of drawings per second, for economic reasons. But from the 1950s, attempts to reduce costs, due to shrinking budgets consequent to the development of the TV programmes, rapidly led to the prevalent use of limited animation worldwide. French television experienced this trend as well, and the animograph, for example, which served to produce Shadoks in the late 1960s, was specifically developed to deal with budget cuts. The development of Japanese animation, and then of co-productions with Japan from the 1970s to 1990s, perpetuated the use of “limited” animation, even if the perception of this limitation is not identical in Japan and in the West. With the arrival of digital technologies, other choices to balance quality and cost appeared: image definition, quality level of rendering, complexity of the shapes, animation by key frames or by capture of movements, automation of recycled animation, etc. The question of reduced budget cuts resulting from the use of limited animation will thus be at the heart of the symposium.
Apart from the economic dimension, there are important consequences when it comes to the use of limited animation. In order to improve productivity, animators had to limit the complexity not only of movements, but also of visual elements, for example with the use of abstract backgrounds at the expense of a more “realistic” aesthetics, typical of Walt Disney’s cinema. The case of the UPA movies, quickly resumed on TV by Hanna- Barbera Productions, is symbolic of production that reconciles budget cuts and formal simplification, in a refusal of Disney’s aesthetics. Nowadays, directors such as Isao Takahata or Bill Plympton, who both work for cinema and TV (animated series or
advertisements), voluntarily use a limited animation technique. In contemporary TV programs, “limited” animation is often used to bring to mind an aesthetics of the 1950s or 1960s.
The symposium thus invites us to specifically examine the relations between limited animation and TV. In France, we have noticed gaps in scientific reflection on the question of relationships between television and animation, even though France has occupied a central position internationally in the production of TV animation since the 1990s. This symposium will focus on a very specific corpus, considered in an international perspective, but from France. In the global context of the audiovisual market, we would also like to understand France’s specific positioning with regard to relationships between animation and television, at a time when we are facing new forms of reception and broadcasting.
The symposium will therefore propose an interdisciplinary approach to the history of animation on TV in France, with “limited animation” being the reference point. It will adopt a diachronic perspective to understand not only the economic implications but also contemporary practices and the reception of the programmes. From this point of view, we want to provide points of convergence with the United States and Japan, to address the question of economic and aesthetic impacts, and shed light on French production in relation to international production.
To understand this history of TV animation, papers should be thematically linked to the following topics:
• Terminological Questions:
May be studied:
– The characteristics of limited animation: re-uses; the influence of the graphic codes of comic strips; and the analysis of the differences between American limited animation (UPA, Hanna-Barbera, etc.) and Japanese limited animation, recently put back into perspective with Gan Sheuo Hui’s concept of “selective animation”;
– the pejorative connotation associated with “limited” animation, in order to compare its various meanings. The question of quality, as we envisage it, must lead to the study of the standpoints of the various actors of the TV industry – and thus of those of the film industry – on the reduction in the number of drawings per second and the other criteria connected to digital technologies.
• History of techniques:
How and why did TV allow for the creation or the development of technical apparatus other than cinematographic: animograph, dessinoscope, etc.?
May be submitted: a history of these machines, or one machine in particular. We urge scholars who are aware of a certain type of technical machine created outside of France to submit a paper on that (for example, Hungary and Czechoslovakia innovated extensively by working with stop motion on TV programmes). What traces remain of these techniques, and how do they inform the history of TV animation across the world?
How were experiments and production brought together (for instance the Service de la Recherche at ORTF), and for which cultural objects?
• Historical perspective:
We can go via cinema first and then return to TV: while UPA cartoons with their abstract aesthetics joined the modern art movement in the fifties, the first animated TV series reverted to the principle of simplified backgrounds, colours and movements. Papers may draw the outlines of a history of these feedback loops between aesthetics and full or limited animation. They may also explore the mutual influences between cinema and TV, and the sometimes necessary crossovers from one industry to the other.
• Approach linked to reception and broadcasting:
The questions of reception, broadcasting and programming, and cycles of “innovation- reproduction-saturation” can also be found in a large number of TV genres and programmes. Papers may examine:
– The reception of limited animation, in particular in the trade press.
– The processes of integration of Japanese animation on French TV.
– An analysis of the audiences (reception studies), the cultural assignments these programmes, and the link between limited animation and young audiences.
– The uses of limited animation in the context of transmedia.
• Aesthetic approach on contemporary objects:
Since many studies on “animation in its golden age” already exist, we invite the scholars to propose presentations on contemporary topics. What about current animated TV series, influenced by both full and limited aesthetics? What is the influence of limited animation on the contemporary series? What tributes and references are made, and which of the stakes are no longer economic but aesthetic?
• Economic and industrial approach:
– How can industrial practices influence content, and what are the consequences on the programmes? (May be studied: censorship, but also specifically TV-related questions: time-slot, audience target, etc.)
– Who makes the decisions? Producers, broadcasters? Who chooses to develop the programmes? How do the channels choose the programmes?
– The competitive environment and the circulation of French productions in the global market may also be examined. Who sells what and to whom?
– On the relocation of certain stages of production: what are the economic reasons and the influences/consequences on the aesthetics of the TV series?
Organizing committee
Sébastien Denis, Aix–Marseille University Chantal Duchet, Sorbonne Nouvelle University Pierre Hénon, EnsadLab
Barbara Laborde, Sorbonne Nouvelle University
Lucie Mérijeau, Labex ICCA/ Sorbonne Nouvelle University Sébastien Roffat, Sorbonne Nouvelle University
Marc Steinberg, Concordia University, Montréal
Serge Verny, EnsadLab
Submission Requirements
Papers may be in French or in English.
The symposium will be followed by a bilingual publication.
The proposal should include an abstract of approximately 1000 words, in English or in French. A short biography should also be included. Please email all submissions to:
The deadline is 30 June 2014.
Compensation
If you are selected to be a speaker, the symposium will cover both lunches (6 and 7 November) and a night in a hotel. We will assist speakers in finding additional hotel accommodation at special rates.